République de Marquetalia
La République de Marquetalia est une zone d'autodéfense paysanne constituée en 1958 en Colombie. Sa reconquête par l'armée en mai 1964 forme un événement essentiel pour les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie : cette guerrilla considère le 27 mai 1964,...
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La République de Marquetalia est une zone d'autodéfense paysanne constituée en 1958 en Colombie. Sa reconquête par l'armée en mai 1964 forme un événement essentiel pour les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) : cette guerrilla considère le 27 mai 1964, date où cette zone est reprise par l'armée, comme la date de sa création, et l'un de ses principaux slogans est «¡Desde Marquetalia hasta la victoria!» («Depuis Marquetalia, jusqu'à la victoire !») [1].
Marquetalia est localisée dans le municipe de Planadas, au sud du département du Tolima, le long de la frontière avec le département du Huila[2]. Cette zone montagneuse est particulièrement complexe d'accès (plusieurs heures de marche depuis le village de Planadas) [3]..
1949-1958 : les guerrillas communistes pendant La Violencia
Au début des années 1960, la Colombie sort de la période dite de La Violencia, la plus violente de son histoire, qui aurait fait entre 100 000 et 300 000 victimes[4]. Cette période avait vu, à partir de 1949, l'émergence d'autodéfense paysannes libérales ou communistes. Pour ces dernières, la doctrine sous-jacente était la «combinaison de l'ensemble des formes de lutte», prônée dès 1949 par le Parti communiste colombien (PCC) [5]. Entre 1949 et 1953, sous la pression de l'armée et de la police, ces zones d'autodéfense (tant libérales que communistes) se transforment progressivement en véritables guerrillas.
En 1953, la majorité des guerrillas libérales acceptent l'amnistie proposée par le général Rojas Pinilla et rendent les armes. Les guerrillas communistes, refusant pour la majorité de rendre les armes, se replient et se forment à nouveau en zones d'autodéfense. Tourtefois, le conflit avec l'armée reprend dès 1954[5], et les autodéfenses redeviennent mobiles et recourent à nouveau à des tactiques de guerrilla. L'accord de partage du pouvoir dit Front National acté en 1958 entre conservateurs et libéraux permet une certaine pacification du pays, met fin à La Violencia et permet aux guerrillas communistes de reconstituer des autodéfenses dans des zones reculées.
1958-1964 : les «Républiques indépendantes»
Marquetalia est l'une de ces zones d'autodéfense paysanne créée en 1958 sous la direction de Manuel Marulanda, aussi connu sous le nom de Tirofijo («tir précis»). Pendant les premières années de ces zones d'autodéfense, il n'y a pas d'offensive militaire importante contre Marquetalia, ce qui suscite le mécontentement de parlementaires conservateurs comme Alvaro Gómez Hurtado, qui en octobre 1961 dénonce au Sénat l'existence sur le territoire national de «Républiques indépendantes» (Marquetalia, mais également d'autres comme Río Chiquito, El Pato y Guayabero, Sumapaz etc. ), où l'armée ne peut pas entrer et où l'autorité de l'État ne s'exerce pas[6]. Les FARC ne reconnaissent pas cette appellation de «Républiques», et parlent de «zones agraires pourvues d'une organisation propre et de formes d'autogestion, désormais leur caractère armé défensif»[7]. L'armée colombienne lance une première attaque contre Marquetalia en 1962, qui échoue et est suspendue par ordre du gouvernement.
L'opération Marquetalia
En 1964, les activités des insurgés s'étendent, et ils prennent en embuscade une colonne de l'armée[6]. Le gouvernement de Guillermo León Valencia décide de mettre fin par les armes aux «Républiques indépendantes». L'opération militaire qui s'ensuit, appelée «Opération Marquetalia», s'effectue en mai 1964. Elle est menée avec l'aide des États-Unis dans le cadre du plan LASO (Latin Américain Security Operation) [5], avec des ressources énormes : 16 000 hommes selon les FARC[7], utilisation d'hélicoptères[6] et de bombardements aériens[5]. Les guerrilleros doivent fuir la zone le 27 mai 1964, date reconnue depuis par les FARC comme celle de leur fondation. Après la défaite militaire de Marquetalia et des autres «Républiques indépendantes», les guerrilleros se restructurent dans le Meta et le Caquetá en formant une guerrilla mobile sous le nom de «Bloc Sud», avant de prendre en 1966 le nom de Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC).
Réactions internationales
L'attaque militaire sur Marquetalia semble avoir déclenché une certaine émotion dans les milieux d'extrême gauche internationale. Che Guevara, lors d'un discours officiel prononcé à l'ONU comme représentant de Cuba en 1964 en a fait mention :
«Le représentant de la Colombie ne se souvient-il pas qu'à Marquetalia il y a des forces qui avaient été qualifiés par la presse colombienne elle-même de «République indépendante de Marquetalia», mais dont on a affublé l'un des dirigeants du surnom de Tiro Fijo pour le faire passer pour un vulgaire bandit ? Ne sait-il pas que là-bas a eu lieu une grande opération avec 16 000 hommes de l'armée colombienne, conseillés par des militaires nord-américains, et avec l'utilisation de certains éléments comme des hélicoptères et probablement -même si je ne suis pas en mesure de l'affirmer- des avions, aussi de l'armée des États-Unis ?»
— Che Guevara, Discours prononcé à l'ONU le 11 décembre 1964
Selon les FARC, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir et Jacques Duclos auraient adressé une lettre ouverte au président colombien pour manifester leur solidarité avec les paysans de Marquetalia[7].
Anecdotes
Les FARC ont lancé le 26 mars 2009 (date anniversaire de la mort de Manuel Marulanda) à Caracas des produits estampillés «Marquetalia 1964», dont du rhum et des cigares. Selon l'Agence Bolivarienne de Presse (proche des FARC), ces produits seraient fabriqués en Colombie par des guerrilleros, et vendus au bénéfice des prisonniers membres des FARC[13].
Voir aussi
Reférences
- ↑ (es) FARC-EP 40 Años ¡Desde Marquetalia hasta la victoria!, Commission internationale des FARC-EP, Resistencia No 32, mai 2004
- ↑ Localisation de Marquetalia et des autres «républiques» (carte)
- ↑ (es) Marquetalia vive entre el olvido y las historias d'alias'Tirofijo', Fabio Arenas Jaimes, ELTIEMPO. COM
- ↑ (es) Rebeldes Primitivos, Estudio sobre las formas arcaicas de los movimientos sociales en los siglos XIX y XX, Eric HOBSBAWN, 1983, Editorial Ariel S. A.
- "La combinaison de l'ensemble des formes de lutte" : développement et crise de la stratégie du Parti communiste colombien, Carlos Efrén AGUDELO, 1994
- Clave 1990 Asalto A Casa Verde, El Tiempo, 28 avril 1992
- (es) Las FARC-EP : 30 Años de lucha por la Paz, Democracia y Soberanía, déclaration des FARC, 27 mai 1994
- ↑ La véritable histoire du plus ancien mouvement de guérilla des Amériques, par un de ses protagonistes : Interview de Jaime Guaracas, légendaire guérillero des FARC, Hernando CALVO OSPINA
- ↑ (es) Las guerras de Corinto, El Espectador, 14 novembre 2009.
- ↑ (es) Muerto En Bogotá Uno De Los Fundadores De Farc, El Tiempo, 15 octobre 1992.
- ↑ (es) Efraín Guzmán. Síntesis para la semblanza d'un comandante que continúa en la pelea, Iván Márquez, Resistencia, No 32.
- ↑ (es) Falleció el Comandante Nariño, communiqué du secrétariat des FARC-EP.
- ↑ (es) Las FARC-EP lanzan productos Marquetalia en solidaridad con sus presos en las cárceles, ABP, 01/04/2009
Bibliographie
- Las guerras de la paz, Olga Behar
- Diario de la resistencia de Marquetalia, Jacobo Arenas,
- Les FARC, une guerrilla sans fins ?, Daniel Pécaut, 2008, ed. Lignes de Repère
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