Renardisme

Le renardisme est la forme de socialisme, de syndicalisme ou d'action syndicale qu'André Renard, a pratiquée en Wallonie en liant combat syndical...



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Le renardisme est la forme de socialisme, de syndicalisme ou d'action syndicale qu'André Renard ( (25 mai 1911 - 20 juillet 1962), a pratiquée en Wallonie en liant combat syndical et luttes régionales à l'intérieur du syndicat dont il était le leader incontesté en Wallonie la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB).

Une grève générale

Le renardisme est né d'un combat, particulièrement important la grève générale de l'hiver 1960-1961, dont Renard a dit qu'elle était une grève épousant les visions de Georges Sorel. On sait qu'elle a suscité aussi l'intérêt de Cornelius Castoriadis et de sa revue Socialisme ou barbarie. Après une année de mobilisation sur le thème des réformes de structures anticapitalistes et avec la naissance d'un nouveau thème de luttes qui est l'opposition à la Loi Unique, programme d'austérité décrété par le gouvernement du premier ministre belge Gaston Eyskens, dans les derniers mois de 1960, en raison d'une augmentation de la dette publique.

Le choix de la Wallonie en 1960

André Renard a fait le choix de la tactique que lui semble s'imposer pour réaliser ce programme. Il déclare, le 17 novembre à Charleroi, à des militants syndicaux : On nous a fait croire à la percée socialiste en Flandre. Il suffit de voir les chiffres. Pour moi, le combat reste entier, mais je choisis le meilleur terrain et les meilleures armes. Pour l'instant, le meilleur terrain et les meilleures armes sont en Wallonie, la meilleure route passe par la défense des intérêts wallons. Je suis en même temps socialiste et wallon et j'épouse les thèses wallonnes parce qu'elles sont socialistes. [1]

Définition du choix idéologique du renardisme

Pour le sociologue wallon Bernard Francq, Renard est à la charnière d'un mouvement qui se définit par la défense de valeurs, la souveraineté du producteur, et par l'opposition au pouvoir de classe, et qui cherche à contrôler les conditions de travail et d'emploi et le développement économique. Cette base ouvrière de l'action est associée à une logique régionale, dont le fondement est plus populaire qu'ouvrier, qui s'oppose, non pas à un adversaire de classe mais à un adversaire étranger, défini par une forme de domination et non par un rapport social. Enfin, logique ouvrière et logique régionale sont fusionnées dans une logique politique, nationale et socialiste, centrée sur l'action de l'État, logique fortement doctrinale et idéologique, mais également fortement modernisatrice. Le paradoxe du renardisme est d'avoir pu être à la fois particulièrement ouvriériste et très régionaliste , d'avoir affirmé la force de l'action de base et en même temps d'avoir donné la priorité à une action politique dirigée vers la modernisation de l'État et le socialisme [2]. On peut trouver ici même un résumé de la thèse des deux sociologues [1].

Un choix assumé par les successeurs

L'un des successeurs de Renard, Robert Gillon, s'inscrit toujours dans la même perspective renardiste lors qu'il déclare, toujours en 1980, qu'il désire le fédéralisme en particulier parce que nous vivons dans un pays constitué non de populations différentes mais de deux régions économiques différentes où les problèmes nomment des solutions et par conséquent des actions différentes (... ). Fédéralisme par conséquent, mais également réformes de structure. Celles-ci doivent être imposées à l'ensemble des niveaux tant à ceux qui détiennent la gestion des entreprises qu'à ceux qui ont entre les mains la gestion du pays. [3]

Régionalisme soumis à l'action syndicale, puis retournement

Schématiquement - un schéma inspiré d'Alain Touraine lui-même - B. Francq propose cette figure :

1. Action ouvrière 4. Action politique régionale

2. Conscience populaire 3. Action politique social-démocrate

Selon Bernard Francq il y a déliquescence du renardisme avec les mutations subies par la classe ouvrière et on passe d'une configuration

(1) (Action ouvrière) --- (2) (Conscience populaire) --- (3) (Action politique social-démocrate) --- (4) (Action politique régionale) où c'est la lutte des classes qui l'emporte sur l'ensemble des autres considérations (qui "tire" en quelque sorte la société wallonne), à un autre schéma

(4) --- (3) --- (2) --- (1) où l'action politique régionale (du PS mais également d'éventuels alliés) domine. Dans les deux cas, la "conscience populaire" que Bernard Francq situe à la périphérie du monde ouvrier a toute son importance, dans la mesure où elle arrive chaque fois en deuxième position.

Le rapport entre socialisme et question nationale

Bernard Francq refuse la thèse selon laquelle le caractère wallon de la grève de'60 n'a été insufflé qu'après-coup à un mouvement qui s'essoufflait. Pol Vandromme, directeur du quotidien Le Rappel exprime de manière plus littéraire la position de Bernard Francq

Une explication plus imagée

Ce n'est pas autour d'une prise de conscience culturelle que s'effectua en Wallonie le passage de l'unitarisme au fédéralisme, mais sous la pression d'une crise économique. Les drapeaux frappés du coq wallon se brandirent dans les cortèges populaires quand l'industrialisation du XIXe siècle commença à rendre l'âme. Il s'agissait de défendre le droit au travail, et non absolument pas d'exalter un patriotisme de fièvre et de baroud. Les forces obscures, que libère la revendication ethnique, ne bondirent dans la vie politique que pour soutenir la revendication essentielle, d'une clarté sans ombre et sans dessous. Le mythe allait à la rescousse de la rationalité pour que les puissances du sentiment et de l'inconscient collectif lui conférassent une ardeur plus exacte, une couleur plus vive et plus entraînante. Quelque chose fut comme ajouté un élan qui porta à son point d'incandescence un mouvement d'origine étranger à la ferveur ainsi qu'à l'imagerie. Nous n'assistions pas à un retour en arrière, mais à une fuite en avant. [4]

Deux populations belges identiques mais face à des problèmes différents

Cette thèse de Vandromme et révèle l'implicite de la thèse R. Francq, elle en dévoile peut-être l'implicite. Nous retrouvons chez Vandromme, chez R. Francq, chez R. Gillon (pour lequel, les deux populations belges "ne sont pas différentes"), une réserve vis-à-vis du mot nation. Vandromme parle de quelque chose d'"ajouté" à la revendication ouvrière et on songe à la thèse du "dopage" wallon de la grève de'60. Mais Vandromme parle aussi d'incandescence, et se rapproche ainsi de l'idée d'une fusion entre des dimensions différentes de l'action ouvrière. Il est question aussi de "fuite en avant".

Grèves et luttes régionales

Dans l'analyse de B. Francq, tout donne le sentiment qu'on part d'une Belgique où le socialisme est implanté de manière unitaire où l'action ouvrière n'est qu'ouvrière et socialiste pour se muer en une action qui sera aussi wallonne. Ce qui est fortement affirmé, c'est la différence entre une action ouvrière ou socialiste, en quelque sorte pures, et ses prolongements wallons. Jacques Yerna et Jean Neuville parlent d'une logique populaire s'opposant "non pas à un adversaire de classe mais à un adversaire étranger, défini par une forme de domination et non par un rapport social" et écrivent : Comme ils l'ont fait lors des grèves du Borinage en 1959, les travailleurs wallons lancent la revendication des réformes de structure. [5] Dans leur esprit, celles-ci forment un moyen de combattre le dispositif capitaliste qui a été incapable d'assurer, en Wallonie, touchée par le vieillissement de son industrie, la reconversion économique. Depuis 1954, moment de l'adoption d'un programme de réformes de structure économiques, la FGTB a développé, en effet, une campagne de propagande systématique sur ce thème.

L'aspect démocratique du mouvement wallon

Dans la préface du livre de Robert Moreau, Combat syndical et conscience wallonne, paru en 1984, Maurice Bologne rédigé, en guise de présentation d'une action qui fut la sienne comme militant wallon appartenant au Parti socialiste, au moins jusqu'en1964 : J'ai pu revivre dans le détail la lutte qu'il a fallu mener pour avoir accès à des tribunes, pour publier des rédigés, pour révéler au monde ouvrier des vérités premières qui avaient toujours été cachées au profit des idées reçues dans le royaume et forgées dans les milieux politiques conservateurs. Que la masse s'occupe de sa situation matérielle, passe toujours, mais qu'elle prétende s'élever au niveau du pouvoir et comprendre les faits politiques pour arriver à les diriger, cela n'était pas vu d'un bon œil, ni par la classe dominante, ni par ceux qui préfèrent la quiétude de la soumission, ni par ceux qu'on a confinés dans une tranquille ignorance... [6]

Avenir du renardisme

Plusieurs syndicalistes signèrent en 1983 le Manifeste pour la culture wallonne. Étant donné que, surtout, l'aile wallonne et l'aile flamande de la FGTB tendent à s'autonomiser, la FGTB wallonne tend à perpétuer l'esprit du rernardisme. La FGTB actuelle a soutenu par exemple le texte du deuxième manifeste wallon déposé le 15 septembre 2003 et proposé un autre appel en décembre 2004. Sans rien renier de l'action syndicale qui obéit à une logique différente, la FGTB wallonne mène toujours un combat social qui intègre le combat régional wallon et qui, surtout, met en cause la Communauté française de Belgique. Probablement, l'heure n'est plus à l'intervention massive de l'État comme ce fut le cas légèrement partout dans le monde développé durant les trente glorieuses, mais étant donné que le renardisme est avant tout une manière de positionner le syndicalisme dans la société globale, sans le diminuer à une fonction de défense des avantages sociaux, ce qu'il a produit demeure et , en tout spécifique, la construction de la Wallonie autonome dont celle-ci lui est bien entendu profondément redevable, même si d'autre part cette revendication peut être portée par d'autres forces que les forces de gauche.

Voir aussi

Notes et bibliographie

  1. (34) Robert Moreau, ‘''Combat syndical et conscience wallonne''', Charleroi, Liège, Bruxelles, 1984, p. 119
  2. ) B. Francq et D. Lapeyronnie, Les deux morts de la Wallonie sidérurgique, Bruxelles, 1990, p. 43.
  3. Ibidem, pages 46-47.
  4. (37) Pol VANDROMME, ‘''La Belgique francophone''', Bruxelles, 1980, p. 22.
  5. Le choc de l'hiver 1960-1961, Bruxelles, 1990
  6. M. BOLOGNE in R. MOREAU, op. cit. p. 8.

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