Marcel Rioux

Marcel Rioux (1919-1992) était un écrivain et un sociologue québécois.

Sociologie critique

Les rédigés du sociologue Marcel Rioux peuvent s'apparenter de manière assez éclairante à une sociologie dite «critique». Se décrivant lui-même comme étant un sociologue engagé, Rioux dessina les contours de sa sociologie critique dans des ouvrages comme La Question du Québec (1969), Idéologie et aliénation dans la vie quotidienne des Montréalais francophones (1973), Les Québécois (1974), mais en particulier dans son Essai de sociologie critique (1978). D'ailleurs, Rioux définit lui-même la sociologie critique vers la fin de sa vie de sociologue comme une sociologie qui «est en réalité une espèce d'hybride, de bâtard qui apparaît comme un croisement entre la science et la morale ; la première ne s'occupe que de ce qui "est" et la seconde, de ce qui "devrait être".»^{[siecle 1]}

Une théorie critique

Rioux dessine les contours d'un objet de recherche pour la sociologie critique en mentionnant qu'«il faut que le sociologue analyse les pratiques émancipatoires parce que, à tort ou à raison, il croit que les individus et en particulier les groupes inventent de nouvelles façons d'être en société, instituent de nouvelles valeurs et créent d'autres projets collectif.»^{[Rioux 1]} Le premier travail au niveau théorique que cette sociologie doit effectuer selon Rioux est d'observer l'émergence d'un nouveau mode de reproduction. Comment peut-on conceptualiser cette observation ? À cette question, Rioux nous incite à observer ce qui pourrait représenter le moteur du changement social. Pour le dire plus exactement, «la question la plus générale et principale qui soit pour quiconque s'intéresse aux changements sociaux, [c'est] celle de savoir ce qui, en fait, est l'élément moteur d'un nouveau mode de production ou d'un nouveau type de société.» ^{[Rioux 2]}. La réponse à cette question se situe selon Rioux dans l'analyse des contradictions du dispositif actuel, dans l'objectif de mieux comprendre ce dernier, de même que ces pratiques émancipatoires qui peuvent en émerger. S'appuyant sur Marx, Rioux mentionne que la contradiction principale du capitalisme se situe dans la manifestation d'une séparation entre divers éléments de la société qui était unis jadis, avant la mise en place du capitalisme, comme par exemple l'aspect individuel et l'aspect social du travail. ^{[Rioux 3]} En d'autres termes, «le processus historique, conclut Marx, consiste dans la séparation d'éléments jusqu'alors unis.»^{[Rioux 4]} Ce regard porté sur ce processus historique permet ainsi à Rioux de développer l'esquisse d'une théorie de la transition historique. Selon lui, la compréhension du changement social s'effectue par le regard qu'on doit porter sur les processus de «désintégration» liés au postulat sociologique essentiel pour la sociologie critique, soit le fait que «le mode de production est envisagé comme un type historique qui a été précédé par d'autres et qui sera suivi par d'autres»^{[Rioux 5]} Ce postulat sociologique est important, car il sert à comprendre que pour la sociologie critique, l'élaboration une théorie «transhistorique» qui viserait à expliquer, ou alors prédire les changements sociaux qui surviennent dans les sociétés n'est pas directement privilégiée. C'est surtout en ce sens qu'un intérêt spécifiquement important va être porté sur la notion de praxis, car pour Rioux, il faut en quelque sorte que celle-ci manifeste une certaine primauté au détriment de la théorie. ^{[Rioux 6]} Par conséquent, ces considérations théoriques qu'effectuent Rioux rejoignent son objet d'analyse, à savoir l'obligation pour la sociologie critique d'observer des pratiques émancipatoires comme manifestation de la praxis. Se dessine ainsi un dédoublement pour la sociologie critique. Ce dédoublement représente la nature même de cette sociologie, car, comme le mentionne Rioux, «une sociologie critique doit se soucier tout autant de chercher ce qui se crée dans la société, ce qui essaie de naître et de s'instituer [les pratiques émancipatoires surtout] que ce qui doit être critiqué dans la société [les contradictions du capitalisme].»^{[Rioux 7]}

La praxis au cœur de la sociologie critique

Ce dédoublement fait en sorte, en premier lieu, que la sociologie critique va s'intéresser de manière inédite aux manifestations «quotidiennes» de ces fameuses pratiques émancipatoires. D'ailleurs, cet intérêt va se concrétiser avec l'importance que va donner la sociologie critique pour la place du sujet historique dans les changements sociaux. S'opposant ici de manière assez intense au courant structuraliste, Rioux mentionne qu'il ne peut y avoir une instauration d'un nouveau mode de production «sans qu'il y ait ce sujet historique pour vouloir diriger la société, lui imposer sa vision du monde et son idéologie.»^{[Rioux 8]} Par conséquent, pour trouver des réponses aux contradictions identifiées dans le dispositif capitaliste, nous devons, par le biais de l'observation des pratiques émancipatoires, relever ce qui pourrait dans la société former «l'auto-institution permanente et explicite de la société : un état où la collectivité sait que ses institutions sont ses créations et qui est devenue capable de les considérer ainsi, de les repenser et de les transformer.»^{[Rioux 9]} D'ailleurs, cette question de la praxis est probablement celle qui semble la plus principale pour la sociologie critique. Cette préoccupation mène en ce sens Rioux à concevoir le «social-historique», qui forme en premier lieu un projet de société, comme «un phénomène social total dans la culture, envisagée comme praxis, c'est-à-dire comme dépassement des conditions existantes, qui vise, dans l'imaginaire en premier lieu à créer d'autres façons de vivre la société.»^{[Rioux 10]} Ainsi, cet intérêt manifeste pour la praxis de la part de la sociologie critique rejoint dans cette optique l'intérêt pour l'observation de ce qui pouvait former «une auto-institution permanente et explicite de la société», ce qui pousse Rioux à s'intéresser à «deux séries de faits regroupés sous l'appellation "nouvelle culture" et "autogestion" pour essayer de montrer que ce sont là des phénomènes qui obéissent aux réactions de rejet qui se manifestent dans la société capitaliste d'aujourd'hui contre l'aliénation généralisée.»^{[Rioux 11]} Par conséquent, nous comprenons que la sociologie critique tend à s'intéresser à la fois aux structures globales de la société (la critique des contradictions du capitalisme) ainsi qu'aux manifestations qui illustrent des pratiques émancipatoires, la plaçant ainsi comment étant une «meso-sociologie». ^{[Rioux 12]} Il s'agit effectivement pour la théorie critique de Marcel Rioux d'une approche concentrée à la fois sur la critique (relever les contradictions) et la création (observer les pratiques émancipatoires) de la société.

Bibliographie

Œuvrages publiés :

• Description de la culture de l'Île Verte, 1954
• Belle-Anse, 1957
• L'église et le Québec, 1961
• L'école laïque, 1961
• Remarques sur les concepts de vision du monde et de totalité, 1962
• Les classes sociales au Canada français, 1962
• French-Canadian society, 1962
• Les nouveaux citoyens, 1962
• Rapport interimaire de la Commission d'enquête sur l'enseignement des arts, 1966
• La Nation et l'école, 1966
• Aperçu sociologique sur le Québec, 1968
• Jeunesse et société contemporaine, 1969
• La question du Québec, 1969
• Aliénation en idéologie dans la vie quotidienne des Montréalais francophones, 1973
• Les Québécois, 1974
• Essai de sociologie critique, 1978
• Deux pays pour vivre, 1980
• Pour prendre publiquement congé de quelques salaud, 1981
• Le Besoin et le désir ou Le code et le symbole, 1984
• La Question du Québec, 1987
• À propos d'autogestion et d'émancipation, 1988
• Une saison à la renardière, 1988
• Anecdotes saugrenues, 1989
• Un peuple dans le siècle, 1990

Honneurs

• Médaille Parizeau (1956)
• Prix Montcalm (1970)
• Prix Ludger-Duvernay (1974)
• Prix Léon-Gérin (1978)

Notes et références

• Marcel Rioux, Un peuple dans le siècle, Hurtubise HMH, Montréal, 1990 (réimpr.  Boréal), 448 p. (ISBN 2890523195)  

• Marcel Rioux, Essai de sociologie critique, Hurtubise HMH, Montréal, 1978, 182 p. (ISBN 0-7758-0113-5)  

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